Ervart ou les derniers jours de Frédéric Nietzsche

Bob et Joe, les deux premiers personnages à entrer sur scène commencent à jouer en anglais La Mort d’une poubelle avant de s’apercevoir qu’ils se sont trompés de pièce. D’emblée le ton est donné. On entre dans un univers qui ne ressemble à rien d’autre, un mélange entre la farce, le grotesque, un faux polar, un vaudeville, un délire dada… En avertissement, Hervé Blutsch rappelle le projet de Nietzsche d’inversion de toutes les valeurs, projet vaste et même infini. C’est peut-être pour cette raison que l’auteur a prévu un entracte pour que les spectateurs trop bien éduqués mais réfractaires à ce genre de théâtre puissent quitter la salle.
Difficile de résumer cette drôle de comète. Ervart est persuadé que sa femme Philomène le trompe. Il met donc la ville à feu et à sang. Sa femme engage un « psychanalyste citationniste » qui essaie de soigner l’esprit malade d’Ervart en lui récitant des citations littéraires ou philosophiques. Mais prenant un coup de hache, il échoue dans sa mission.
Régulièrement Frédéric Nietzsche passe sur scène et jette un livre dans une poubelle qui explose avec un petit « sploutch ». Maurice, un agent secret zoophile mène l’enquête sur ces attentats, enquête perturbée par le fait qu’il tombe amoureux d’un cheval de théâtre du nom de Failldola.
On rit beaucoup dans cette pièce. L’auteur joue avec toutes les ficelles du théâtre. Comme avec ce personnage de comédienne au chômage qui essaie par tous les moyens de se faire embaucher. Mais en même temps on rit jaune, car il est tout le temps question de la folie humaine, de ces moments de bascule comme celui qui a frappé Nietzsche en 1889, comme ceux qui frappent régulièrement les hommes d’aujourd’hui et qui font si souvent la une de notre actualité.
Ervart ou les derniers jours
de Frédéric Nietzsche
Hervé Blutsch
Théâtre Ouvert Tapuscrit
170 pages, 10 €