Midi pile, l’Algérie

À la récré, Julien annonce à ses copains Bastien, Nicolas, Saïd et Quentin que leur Q.G., une vieille R16 baptisée Carcasse, est squattée par un type plutôt bizarre. Un vieil homme sur le qui-vive, armé de surcroît. La bande décide alors d’organiser une riposte contre l’occupant. Celui-ci semble attendre quelque chose ou quelqu’un. Il se remémore surtout, quarante ans plus tôt et toujours aussi vive, « la peur qui noue les muscles ». « Il est loin. Très loin. Là-bas, à Constantine où il a été soldat à 20 ans pendant la guerre d’Algérie. » Le vieil homme a aujourd’hui rendez-vous avec son passé.
C’est un jour de mars 1962 qui hante sa mémoire. Ce jour où, à Constantine, il a croisé le regard d’un fellagha, qui a préféré jeter son arme plutôt que de le tuer.
À l’instant où les jeunes garçons vont donner l’assaut contre celui qu’ils prennent pour un gangster, une scène incroyable a lieu devant leurs yeux. Cet homme inquiétant attendait en fait quelqu’un qu’ils connaissent tous très bien ! L’inconnu n’était donc pas un ennemi…
L’histoire se passe à notre époque. Certains signes semblent un peu faciles. Comme ces vêtements et casquettes à l’ostensible effigie d’une marque que l’on ne peut que taire en attestent. Mais les documents historiques, ainsi que les illustrations qui suivent, replacent très vite la fiction au temps de la guerre d’Algérie. Cette période douloureuse prend le pas sur le récit initial, prétexte dès lors à donner à lire la vérité de cette époque, trop vite étouffée et encore bien mal cicatrisée. Se côtoient pourtant dans nos écoles des enfants dont la famille a vécu ce drame et pour lesquels il est vital de savoir pourquoi ils sont nés ici, en France, et d’où viennent leurs grands-parents. C’est de leur vie qu’il s’agit ici. Un album illustré par un dessinateur de BD, Jacques Ferrandez, où les faits sont cautionnés par l’historien Jean-Pierre Vittori, voici de quoi lever le voile sur un des grands sujets tabous de l’histoire de France.
Une « histoire d’Histoire » pour mieux donner à sentir la massacrante absurdité de la guerre. Et mettre en perspective les événements d’hier et d’aujourd’hui, afin d’essayer d’éclairer notre présent. Après un titre sur l’esclavage, et sur la Première Guerre mondiale illustré par Pef, le père du Prince des mots tordus, on se prend à attendre un album salutaire sur les colonies africaines, sur la guerre des Balkans ou sur l’Afghanistan.
À l’heure où les écoliers apprennent à vivre ensemble avec l’impensable et à accueillir dans leurs classes de jeunes réfugiés d’ici ou d’ailleurs, cette collection s’avère d’utilité publique. Professeurs, donnez à lire ce livre à vos élèves. Ils en refermeront les pages grandis.
Midi pile, l’Algérie
Jean-Pierre Vittori/
Jacques Ferrandez
Rue du monde
36 pages, 12,19 € (80 FF)