Éc/arts N°2

Même si elles sont constituées de courts textes toutes les revues ne sont pas bonnes à emporter dans les transports publics. Ainsi Éc/arts (qui pousse sa complexité jusqu’à s’écrire « : éc/art S : »), une revue de poids, volumineuse (24,5x26) et impressionnante. La mise en page de ce N°2 est à la mesure de son sujet « textualités & nouvelles technologies » et renforce son côté métallique par une utilisation exclusive du noir et blanc sur papier brillant. On passera outre l’agacement dû à trop de jargon comme c’est le cas dans l’édito peu apéritif : « L’accélération exponentielle de l’histoire de la technique détermine le fait anthropologique majeur de notre contemporanéité : celui de la tranformation radicale et transversale de l’ensemble des champs constitutifs de la socialité. » Une entame qui donnerait plutôt envie d’aller boire une bière…
Ce serait manquer un rendez-vous assez captivant avec la modernité constatée ou annoncée dans les pages qui suivent et qui explorent le rapport que l’art (dans sa transversalité) entretient avec la technique. Vaste interrogation que les 400 pages n’épuiseront pas malgré des détours par la danse, les jeux vidéo, la musique, l’architecture, la mode et tout ce qui concerne l’informatique. Éc/arts fait ici une large place à la cyberpoésie et à l’écriture assistée par ordinateur. Mine d’informations encyclopédiques, la revue permet de faire le point (on allait écrire, le pixel) sur tout ce pan de la création littéraire. Tibor Papp, précurseur en la matière ou Jean-Pierre Balpe, connu en France pour son travail auprès d’Action poétique et pour ses écritures génératives, éclairent l’histoire de cette approche particulière de l’écrit et amorcent une théorie de l’écriture qui tourne le dos à la vulgate romantique.
Malgré son aspect magistral et ultra référencé (où les textes an anglais ne sont pas traduits), Éc/arts s’ouvre plus largement sur des questions sociales ou politiques. Qu’ils soient victimes de « l’idéologie de la machine »(Marc Monnet) ou de l’insuffisance des institutions culturelles pour accompagner les bouleversements liés aux nouvelles technologies, les artistes ont à prendre en charge aujourd’hui un bagage technique sans lequel (mais cela reste à démontrer) il n’y aurait plus de modernité. Éc/arts, à notre connaissance, est la seule revue à proposer une synthèse aussi riche des voies qui conduisent au millénaire nouveau. Reste qu’en matière de technique, on préfèrera celle qui permit l’invention de la bière pression à celle qui fait apparaître sur nos écrans d’ordinateurs les sempiternels ready-made cousins de ceux du début du siècle.
Éc/arts N°2 - 383 pages, 140 FF
www.ecarts.org